Aimer Dieu, aimer son prochain : oui, mais comment ?
Carmel St Joseph - Fraternité de Lyon http://www.carmelitesdesaintjoseph.com
Une fois par mois, aux Vigiles du samedi soir, la Fraternité de Lyon
se retrouve et reçoit de l'une ou de l'autre un commentaire de la
Parole.
Voici celui du 30ème dimanche du Temps Ordinaire, autour des trois
lectures de ce dimanche : Ex 22,20-26 ; Ps 17 ; 1 Th 1,5c-10 et Mt
22,34-40.
N’opprime pas l’étranger car tu te souviendras que tu as toi-même été
un étranger en Egypte. Ne rudoie pas la veuve et l’orphelin car
Dieu écoute sa plainte. Prête sans intérêt... Toutes ces prescriptions
bien concrètes qui appartiennent au code de l’Alliance
balisent un chemin de vie au peuple d’Israël.
Mais, soyons aussi attentifs à la dernière parole prononcée par Dieu :"s’il crie vers moi, je l’écouterai, car je suis compatissant, moi !" (Ex 22, 26).
N’est-ce pas là, déjà, une manière de dire : "montrez-vous compatissants comme votre Père est compatissant" (Lc 6, 36),
ou "soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait" (Mt 5, 48) ?
Paul aussi nous parle d’imitation : "vous vous êtes mis à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la parole avec la joie de
l’Esprit Saint" (1 Th 1, 6). De proche en proche, la foi de
ceux qui vivent la Parole et la mettent en pratique retentit et se
répand autour d’eux. Ainsi, la perfection de l’Evangile à laquelle
nous sommes appelés n’est pas pour nous, mais pour le Corps entier,
pour l’humanité !
Voici le plus grand commandement : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
Et, tu aimeras ton prochain comme toi-même. Les deux commandements cités par Jésus comme étant le plus grand commandement
ne font étonnement pas partie ni du décalogue (Dt 5, 1-22 ; Ex 20, 1-20), ni du code de l’Alliance (Ex 20, 22-23, 33).
Le premier vient du livre du Deutéronome (Dt 6, 5) où il conclut le "sh’ma Israël", "écoute Israël".
Et le second vient du livre du Lévitique (Lv 19, 18) où il se situe dans une série de prescriptions morales et cultuelles.
Ainsi, Jésus récapitule-t-il toutes les prescriptions de la loi dans
le commandement de l’amour. Ni le décalogue, ni le code de
l’Alliance ne parle d’un commandement de l’amour. Mais, ils décrivent
les limites à ne pas franchir, les limites au-delà desquelles
il n’y a plus d’amour. "L’amour est le cœur positif mais secret des commandements du décalogue" (Marcel
Domergue).
Le Décalogue et le code de l’Alliance tracent et balisent le chemin de l’amour, mais ils ne nous disent pas comment aimer,
car l’amour n’est pas du ressort de la loi, mais de celui de la liberté.
Aimer Dieu et aimer son prochain sont deux commandements semblables, nous dit Jésus. Comment s’aimer soi-même ?
Nous ne pouvons nous aimer nous-mêmes sans tomber dans un amour narcissique ou égoïste, que si nous nous savons aimés.
C’est une question de foi en Dieu qui est amour et qui nous aime chacun personnellement.
A l’origine du commandement d’amour, il y a donc l’amour de Dieu pour nous !
"En ceci consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils
en victime de propitiation pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons nous aussi nous aimer
les uns les autres" (1 Jn 4, 10-11).
Si les deux commandements sont semblables, c’est que pour aimer Dieu,
nous devons passer par le chemin de l’amour du prochain.
"Si quelqu’un dit ‘j’aime Dieu’ et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit,
ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de lui : que celui qui aime Dieu aime
aussi son frère" (1 Jn 4, 20-21).
L’amour est un commandement impossible, une perfection qui dépasse largement notre cœur humain !
Demandons que notre cœur de pierre soit habité et transformé par la tendresse de Dieu, pour devenir un cœur de chair capable
d’aimer à la manière du Christ, un cœur dans lequel
"l’amour a été répandu par l’Esprit Saint qui nous a été donné" (Rm 5, 5).
Caritas in Veritate
Résumé de l'encyclique de Benoît XVI Caritas in Veritate (L'Amour dans la Vérité)
"L’Amour dans la Vérité"
SS. Benoît XVI
Pourquoi " L'Amour dans la Vérité "
L’Amour dans la Vérité est une encyclique adressée à tous les hommes de bonne volonté sur " le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité ".
L’idée essentielle de cette encyclique est que
L’Amour dans la Vérité… est la force principale qui permet le développement de chaque personne et de l’humanité tout entière.
C’est une force qui pousse les personnes à s’engager avec courage et générosité dans le domaine de la justice et de la paix.
Cette force trouve son origine en Dieu, AMOUR ÉTERNEL et VÉRITE ABSOLUE.
Notre vocation est d’aimer nos frères mais d'un amour compris et pratiqué à la lumière de la vérité. En effet, sans vérité, l’amour bascule dans le sentimentalisme, il est la proie des émotions et des opinions subjectives.
La
doctrine de l’Eglise nous enseigne en effet que la charité est un amour
reçu et donné. Sa source est l’amour trinitaire. Dans la Trinité, le
bonheur de chaque personne est de faire le bonheur des 2 autres. Nous
sommes donc appelés à devenir, nous aussi, les instruments de cet
Amour, en nous mettant au service des autres, car chacun ne peut donner
que ce qu’il a tout d’abord reçu de Dieu. Cette vérité doit libérer des
intérêts privés et des appétits de pouvoir, qui désagrègent la société.
L’amour
dans la vérité est un grand défi pour l’Eglise à une époque où la
mondialisation généralisée risque de ne pas être maîtrisée, ou de ne pas
l’être avec le souci du bien commun équitable pour tous.
L’Eglise
n’a pas de solutions techniques, elle a toutefois une mission de vérité
à remplir. Et c’est pour accomplir cette mission de vérité que Benoît
XVI a écrit son encyclique " L'Amour dans la Vérité " (Caritas in Veritate), dans le prolongement de celle publiée en 1967 par Paul VI, "Le Développement des Peuples" ( Populorum Progressio).
Le message de Paul VI dans " Le Développement des Peuples "
Dans son encyclique, Paul VI, fidèle à Vatican II, nous faisait part de deux grandes vérités :
1. « l’Eglise
tend à promouvoir le développement intégral de l’homme quand elle
annonce (par la prédication), célèbre (par la liturgie) et met en œuvre
(dans la charité).
2. « Le développement authentique de l’homme concerne la totalité de la personne dans chacune de ses dimensions »
y compris dans sa dimension éternelle. Cela signifie que, sans la
perspective d’une vie éternelle, le progrès humain demeure enfermé à
l’intérieur de l’histoire, il risque de se réduire à la seule production
de biens matériels.
Dans cette encyclique, Paul VI dénonce l’idéologie technocratique qui laisse croire que le progrès technique va résoudre tous les problèmes et qu'il suffit à nous rendre heureux.
Il nous dit que servir le développement est une vocation.
C’est un appel de Dieu qui réclame de nous une réponse libre et
responsable. Chacun de nous demeure l’artisan principal de la réussite
du développement, de la lutte contre le sous-développement.
Le développement doit être intégral, c’est-à-dire « promouvoir tout homme et tout l’homme. La
charité occupe dans le développement une place centrale : la société de
plus en plus globalisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas
frères. C’est par le Christ que nous apprenons à le devenir !
… D’où l’urgence de réponses courageuses pour faire reculer les injustices.
Tel était le message de Paul VI, que Benoît XVI entend actualiser dans son encyclique « Caritas in Veritate »
Le message de Benoît XVI dans " L'Amour dans la Vérité "
1 Les problèmes du développement humain aujourd’hui
Dans
son encyclique, Benoît XVI passe tout d’abord en revue quelques-uns des
problèmes nouveaux apparus depuis l'encyclique de Paul VI.
Certes
depuis Paul VI il y a eu du développement, des milliards de personnes
ont été libérées de la misère, mais restent des problèmes dramatiques,
accentués par la crise mondiale.
Comment
faire à l’heure où la richesse mondiale grandit en terme absolu, mais
où les inégalités augmentent, dans les pays riches comme dans les pays
pauvres ?
Au
temps de Paul VI, les Etats pouvaient encore fixer les priorités de
leur économie ; ce n’est plus vrai ! Aujourd'hui, ce sont les financiers
et les investisseurs internationaux qui imposent leur loi. Les pays
riches ont recherché les lieux de production à bas prix en
délocalisant ; le monde du travail en est déréglé. La menace sur les
droits des travailleurs est accentuée, les systèmes de sécurité sociale
sont fragilisés, les organisations syndicales affaiblies, les réseaux
de solidarité submergés.
La
mobilité du travail qui peut avoir des effets positifs, peut aussi
fragiliser les rapports familiaux. Il y a aussi le chômage qui mine les
personnes.
Les
échanges culturels augmentent, ce qui est une bonne chose mais avec le
risque d’homogénéiser toutes les cultures, de favoriser un nivellement
culturel des comportements et des styles de vie.
La
faim fauche encore de très nombreuses victimes. Il manque une
organisation des institutions économiques qui soit en mesure de faire
face aux besoins primaires et aux urgences provoquées par des causes
naturelles
La pauvreté provoque encore un
taux élevé de mortalité infantile, dans d'autres pays ce sont les
problèmes liés à l’avortement, l’euthanasie… La recherche scientifique
doit s'accompagner d'une évaluation morale, sinon le développement
intégral de l’homme n'est pas atteint.
Dans certains pays le fanatisme
religieux empêche le droit à la liberté religieuse, dans d'autres on
impose un athéisme pratique.
40 ans après
l'encyclique de Paul VI, Populorum Progressio, certaines régions sont
restées dans leur misère, et même se trouvent dans une misère aggravée.
Apparaissent de nouvelles formes de colonialisme et de dépendance à
l’égard des pays dominants. La nouveauté majeure est l’interdépendance
planétaire, qu’on appelle mondialisation. Sans l’amour dans la vérité,
cet élan planétaire risque de provoquer de nouvelles fractures au sein
de la famille humaine.
2 Fraternité et développement économique
L'homme moderne est
parfois convaincu d'être le seul auteur de sa vie. Certains ne voient
donc leur bonheur que dans la richesse matérielle. Ils veulent que
l'économie soit libérée de toute influence morale. Or seule la charité
peut faire de notre société une communauté fraternelle.
Benoît XVI
dit non au fatalisme face à la mondialisation. Elle est inéluctable mais
elle peut et elle doit être maîtrisée car derrière tout processus
socio-économique, il y a une réalité humaine.
3 Développement des peuples, droits et devoirs, environnement
La
solidarité n'est pas optionnelle, c'est un devoir et aussi une sagesse.
Sans la conscience des devoirs, les droits deviennent arbitraires,
décidés par des majorités fluctuantes. Benoît XVI rappelle nos devoirs
essentiels :
-
La sexualité ne doit pas être détournée de son but premier qui est la procréation. La baisse de la natalité n'est pas une bonne chose. C'est la vitalité d'un peuple qui est en jeu.
-
L'économie a besoin de l'éthique
: Par exemple, il faut encourager les banques qui proposent des
investissements éthiques, des microcrédits… encourager les entreprises
qui utilisent une partie de leurs profits pour réaliser des objectifs
humains et sociaux.
-
Il faut réclamer la transparence de la part de toutes les organisations qui prétendent faire une œuvre humanitaire…
-
Il faut respecter l'environnement : la nature doit être exploitée avec sagesse par tous et de façon équitable pour tous.
-
L'Église a une responsabilité envers la création. Elle doit surtout protéger l'homme de sa propre destruction,
en protégeant la nature de façon globale : la conception non
artificielle, le fait que les embryons ne soient pas sacrifiés pour la
recherche… On ne peut exiger l'écologie pour l'environnement et négliger
l'écologie pour les personnes.
La source ultime de la Vérité
et de l'Amour est en Dieu. Nous n'avons pas à fabriquer la Vérité et
l'Amour : ils nous sont donnés.
4 La collaboration de la famille humaine
La
pauvreté la plus profonde est celle de ne pas être aimé. Refuser l'amour
de Dieu est une fermeture originelle tragique : L'homme pense se
suffire à lui-même. Or ce n'est pas en s'isolant que l'homme se valorise
et trouve le bonheur, c'est en se mettant en relation avec les autres
et avec Dieu, en formant une seule famille où la solidarité l'emporte
sur la marginalisation.
Dans la
révélation chrétienne, la relation entre les hommes est un élément
essentiel : elle est éclairée par la relation entre les 3 personnes de
la Trinité, relation totale et transparente. Et Dieu veut nous associer à
cette réalité de communion.
C'est
pourquoi Dieu doit avoir sa place dans la sphère publique… Les chrétiens
doivent unir leurs efforts avec tous les hommes de bonne volonté,
qu'ils soient croyants ou non croyants. Le développement n'est pas
seulement économique, il est aussi culturel et humain.
Et c'est
au nom de la foi chrétienne que Benoit XVI affirme qu'il faut
promouvoir un meilleur accès à l'éducation, veiller à ce que le tourisme
international ne soit pas dans certains cas l'occasion d'avilir
l'homme, harmoniser les lois internationales qui contrôlent les flux
migratoires, améliorer les lois du travail…
Enfin, alors que se
développe de façon irrésistible l'interdépendance mondiale, Benoît XVI
signale l'urgence de la réforme des Nations Unies, de même que celle de
l'architecture économique et financière internationale. Il faut une véritable autorité politique mondiale, pour travailler à un développement intégral de l'homme qui s'inspire des valeurs de l'amour et de la vérité.
CONCLUSION
Sans Dieu, l’homme ne sait
où aller et ne parvient même pas à comprendre qui il est. Pour dépasser
le découragement et le défaitisme devant la mission de servir le
développement intégral, le croyant entend de Jésus : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5) et « Je suis avec vous jusqu’à la fin… »
(Mt 28,20) Là est la source de nos énergies nouvelles. Charité et
Vérité se reçoivent de Dieu. S’ouvrir à Dieu, c’est s’ouvrir aux
frères ! L’amour de Dieu nous donne le courage d’agir et de persévérer.
Benoît XVI
(Résumé de Gérard Pique)
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