La CEF, Conférence des Evêques de France, conteste le projet de
loi visant à divorcer sans juge. C'est un projet qui va à l’encontre de
l’intérêt des familles et de la société...
Un amendement au projet de loi relatif à la
justice du XXIe siècle propose que le divorce par consentement mutuel
puisse se passer de juge aux affaires familiales si les deux conjoints
en sont d’accord. Ce divorce serait établi par acte sous seing privé
puis déposé au rang des minutes d’un notaire.
Les objectifs avancés pour cette réforme sont
principalement la simplification pour les conjoints et le désengorgement
des tribunaux.
À la suite d’autres acteurs de la vie sociale, la Conférence des
évêques de France s’interroge sur l’intérêt d’une telle mesure élaborée
sans aucune concertation.
Une simplification illusoire
Aujourd’hui le divorce par consentement mutuel
est une procédure simple. Il suffit d’une audience devant le juge aux
affaires familiales à partir du dépôt de la requête. La question de la
rapidité, aspect important de la simplification, se pose mais elle ne se
limite pas à la question de la procédure. Une séparation après des
années de vie commune n’est de fait jamais simple. L’avantage de
l’intervention du juge réside dans le fait qu’il vérifie le consentement
réel des conjoints, l’équilibre des accords et tranche les difficultés
en appliquant la loi. Il fait ainsi gagner du temps aux justiciables.
Alors que le notaire n’étant pas chargé de telles vérifications, de
nombreux contentieux risquent de naître après le divorce pour contester
des accords déséquilibrés.
La protection des plus faibles moins assurée
Aujourd’hui, le juge permet de veiller à
l’intérêt de chaque partie, et de sortir du rapport de force, qui peut
continuer à exister même dans un divorce à l’amiable. Il peut ne pas
homologuer la convention présentée par les époux s’il la juge
défavorable à l’une des parties ou contraire à l’intérêt des enfants. Le
système actuel vise à protéger le plus faible et à garantir l’équité.
La réforme ferait reculer la protection
législative des plus faibles : enfants ou l’un des conjoints. Certains
arrangements actuellement rejetés par les juges reverraient le jour, au
plus grand préjudice de certains conjoints fragilisés, sous emprise ou
moins avertis.
Le sort des enfants mineurs est actuellement
fixé par décision de justice, laquelle peut confirmer les mesures
amiables prises par les parents. C’est l’intérêt de l’enfant qui guide
le juge, le divorce de ses parents ayant un impact réel sur sa vie. Le
mode de prise en charge des enfants est contrôlé réellement dans les
conventions de divorce, les juges chassent impitoyablement les
résidences alternées aberrantes ou les accords ne prévoyant pas une
pension alimentaire sérieuse. Qui prendra la défense des enfants avec la
réforme envisagée ?
L’interdiction législative de recourir à une
telle forme de divorce si l’enfant demande à être entendu par le juge
est peu réaliste : à qui dira-t-il qu’il veut être entendu ? Comment
garantir que les parents ne le dissuaderont pas en pensant bien faire
sans doute ? Comment faire porter la responsabilité d’un tel choix à un
mineur ? Et si d’aventure il le faisait, comment concrètement empêcher
les parents de continuer leur procédure non judiciaire ?
Dans l’exhortation Amoris Laetitia, le pape
François rappelle qu’ « au-delà de toutes les considérations qu’on
voudra avancer, ils [les enfants] sont la première préoccupation, qui ne
doit être occultée par aucun intérêt ou objectif » (n°245).
Des économies peu assurées
En l’état actuel les deux conjoints peuvent
avoir un avocat commun. La réforme exige que chaque époux ait son
avocat, le coût sera mathématiquement multiplié. On peut aussi
s’interroger sur la rémunération réelle des notaires. Le coût final sera
plus élevé pour les familles.
Quant à l’économie budgétaire, elle est
hypothétique. L’éventuel contentieux après le divorce aura un coût, sans
oublier le paiement des deux avocats en cas d’aide juridictionnelle. Il
est aussi à craindre que nombre de divorces sans juge ne prévoient pas
de pension alimentaire, le parent isolé touchant alors l’allocation de
soutien familial au plus grand dam de l’équilibre des comptes des
Caisses d’Allocations Familiales.
La dimension symbolique de la mesure
Le mariage est une institution au croisement de
l’intime et du public. Notre société s’honore de conserver cette double
dimension, que révèle la célébration en mairie devant témoins. Le
divorce sans juge occulterait ce caractère institutionnel du mariage au
profit d’un caractère contractuel.
Comme le mariage, le divorce est une réalité de
notre société, il est de notre responsabilité commune d’accompagner au
mieux les conjoints. Il faut au contraire donner plus de moyens aux
magistrats pour qu’ils assurent la protection juridique des plus
faibles, et soutiennent les familles dans leur vie ordinaire. Car
prendre soin des familles, c’est prendre soin de la société.
Mgr Jean-Luc Brunin Évêque du Havre Président du Conseil famille et société
Les A.F.C., Associations Familiales Catholiques, ont lancé, quant à elle, une pétition contre cette réforme. CLIQUEZ ici pour y accéder.
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