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Regard sur l'Eglise de France...
Par Adm**********min le 07/07/2011 00:00:00:00, cet article a été lu 85 fois.

VOYAGE À TRAVERS LE CATHOLICISME DE FRANCE
Il s’agit de l’Église de Jésus-Christ. Voilà pourquoi nous ne faiblissons pas

«Tout au long de ces dernières semaines tourmentées, m’est revenue à l’esprit l’image de la barque entraînée dans la tempête et des apôtres qui voyaient Jésus dormir». Interview d’André Vingt-Trois. Cardinal de Paris. Prêtre depuis quarante ans

Interview du cardinal André Vingt-Trois par Gianni Valente

 

      Tout au long de ces dernières semaines tourmentées, alors qu’en France aussi l’Église et le Pape étaient au centre de nombreuses polémiques, l’image de la barque entraînée par la tempête et de Jésus qui dormait alors que les apôtres étaient pris par l’angoisse d’être emportés par les vagues, est revenue à l’esprit du cardinal André Vingt-Trois. Il l’a raconté lui-même à ses collègues de l’épiscopat français, réunis à Lourdes à la fin de mars: «Moi aussi», a-t-il confié, «j’avais besoin de m’entendre dire: “Pourquoi avez-vous si peur? N’avez-vous pas encore de foi?”». Avec la même franchise l’archevêque de Paris répond, sans chercher à se dérober, aux questions sur la situation présente de l’Église en France et dans le monde. Et il part pour cela de la considération – qui est dans la droite ligne de son habituel et solide réalisme – qu’il n’y a pas lieu de «dramatiser ni de spiritualiser à l’excès ce que nous avons vécu».
     

Le cardinal André Vingt-Trois [© Ciric]
      Dans quelques semaines, cela fera quarante ans que vous êtes prêtre. C’était en 1969.
      ANDRÉ VINGT-TROIS: Quarante ans, c’est un long chemin. Si, ensuite, on ajoute les dix ans de préparation, cela fait un demi-siècle… J’ai eu l’occasion et la joie d’expérimenter différents aspects du ministère sacerdotal. J’ai été prêtre de paroisse, j’ai enseigné, j’ai été vicaire général et ensuite j’ai été ordonné évêque. Et pourtant, maintenant, pour moi, c’est comme si toutes ces années n’étaient qu’un temps très bref.
      Si vous regardez le chemin accompli, quelle est votre première impression?
      Mgr VINGT-TROIS: Avec les séminaristes, avec les paroissiens et ensuite avec les prêtres et les fidèles des diocèses où j’ai été nommé évêque, nous avons, ensemble, traversé une période intense pour la vie de l’Église: le Concile, Paul VI, Jean Paul II… Il y a eu de nombreuses difficultés à affronter, d’autant plus que cette période a coïncidé, en France, avec un phénomène que l’on a parfois un peu grossièrement appelé sécularisation, c’est-à-dire avec l’éclipse des points de référence chrétiens pour beaucoup de nos contemporains. Mais je dois dire que je n’ai jamais eu le sentiment d’avoir pris une voie sur laquelle il y aurait eu quelque chose à regretter.
      Et pourtant Vous avez raconté qu’on vous proposait souvent à vous, séminaristes, une morale du sacrifice: on insistait sur l’invitation à abandonner quelque chose d’important pour offrir avec générosité votre vie à Jésus.
      Mgr VINGT-TROIS: À y repenser, il me semble que ce n’était pas une bonne piste. Bien sûr, dans toute histoire d’amour il y a des renonciations. Quand on aime quelqu’un de façon préférentielle, on renonce à d’autres amours, on choisit, on assume la vie quotidienne qui demande toujours des renonciations. Mais ce ne sont jamais des renonciations marquées principalement par la privation. Elles sont marquées au contraire par la surprise de l’amour et par la plénitude qui en découle. J’ai eu une vie ordinaire. Sans maladies graves, sans périodes sombres de dépression. Mais dans toutes ces années, je n’ai jamais eu l’impression que ma vie était écrasée sous un poids difficile à porter.
      En France on parle parfois d’une sorte de fracture générationnelle parmi les prêtres, d’une fracture entre ceux qui ont grandi dans les années du Concile et de l’après-Concile et ceux de la dernière génération qui sont marqués par un plus grand besoin d’affirmation identitaire.
      Mgr VINGT-TROIS: Pour ma part, je ne verrais pas principalement la clef de ces confrontations dans un besoin d’affirmation identitaire. La génération des prêtres que nous avons connue en France jusqu’au Concile avait un espace social défini, relativement reconnu, et s’enracinait dans une expérience d’Église qui était une expérience communautaire, qui embrassait aussi bien les liens familiaux que la participation à la vie de la paroisse et des associations ecclésiales. Je dirais que l’équilibre de leur position venait de leur vocation, de leur générosité, mais aussi de cet entourage, de ce milieu qui “portait” en un certain sens leur existence. Déjà, pour ma génération, ceux qui se sont mis en chemin dans les années soixante, la situation était différente. Depuis lors, le rôle du prêtre dans la société, de façon plus évidente dans les villes (car souvent, dans les villages, le curé restait le curé) est quelque chose de très difficile à identifier, et le milieu dans lequel le prêtre est inséré ne le “porte” pas, ne lui offre aucun soutien. Nombre d’entre eux sont comme des gens qui n’ont ni rôle ni appui social. Cela les pousse éventuellement à chercher des points de référence, des symboles d’identification dont ils ressentent plus fortement le besoin que les prêtres des années cinquante.
      Les données sur les vocations sont souvent citées par ceux qui disent que l’Église de France n’a pas d’avenir. Vous avez souligné qu’il s’agit de caricatures de la réalité, démenties par certains faits récents comme, par exemple, les messes pendant la visite du Pape en France.
      Mgr VINGT-TROIS: Avant le voyage du Pape deux questions se posaient. La première était de savoir si réellement, comme le soupçon en avait été formulé, les catholiques de France n’étaient pas en communion avec l’Église de Rome. Et la seconde portait sur l’image que notre Église allait donner d’elle-même. Et puis on a vu que la foule qui s’était rassemblée aux Invalides était essentiellement formée de jeunes adultes, de familles avec leurs enfants, de jeunes, de beaucoup d’étrangers qui manifestaient qu’ils avaient trouvé une place dans notre Église. Et en réponse à ceux qui disaient que les catholiques de France n’étaient pas en communion avec le Pape, il a suffi de regarder la foule qui se pressait sur son passage tout le long du chemin qui mène du Collège des Bernardins à Notre-Dame, puis sur le parvis de la cathédrale. Est apparue à cette occasion une réalité que l’on ne remarque pas d’habitude. Il faut donner toute sa valeur à ce signal. Il y a beaucoup de gens, y compris des familles et des jeunes, qui vivent leur foi de manière simple au sein de l’Église catholique.
Des fidèles en prière pendant la célébration des Vêpres de la Bienheureuse Vierge Marie présidée par Benoît XVI à Notre-Dame, le 12 septembre 2008 [© Associated Press/LaPresse]
      Le cardinal Danneels a été frappé par le fait que «ces personnes étaient venues de leur propre initiative et non parce qu’on les avait organisées». C’est ce qu’il a appelé un «christianisme générique».

      Mgr VINGT-TROIS: On peut organiser un événement. On peut remplir Notre-Dame avec trois mille personnes. Ce n’est pas difficile. On peut remplir le parvis devant la cathédrale avec dix mille personnes. C’est un peu plus difficile mais on peut y arriver. À la messe sur l’Esplanade des Invalides il y avait au moins deux cent cinquante mille personnes. Elles auraient pu rester plus confortablement chez elles, vu que la messe, comme toutes les célébrations et les rencontres de ces jours, était retransmise à la télévision. Voilà, une chose de ce genre ne se fabrique pas.
      Il y a des gens qui pensent que la possibilité d’une renaissance de l’Église se trouve entièrement dans les mains des groupes et des mouvements qui jouent un rôle de premier plan dans l’Église. Qu’en pensez-vous?
      Mgr VINGT-TROIS: Je regarde comment l’Évangile nous décrit la façon dont les gens suivaient Jésus. Dans le Sermon sur la montagne, on voit qu’il y a des cercles concentriques, un peu comme ceux dont parlait aussi Paul VI dans l’encyclique Ecclesiam Suam. Il y a les apôtres, le Christ lui-même en choisit douze. Puis les disciples, ceux qui ont choisi de le suivre, ceux qui ont quitté leur maison et qui se déplacent avec lui. Puis il y a le groupe plus fluide des personnes qui sont intéressées, qui écoutent, répondent. On ne peut définir l’Église à partir du seul noyau central. Précisément parce que l’Église n’a pas pour mission de se concentrer dans un noyau “dur” central, mais plutôt d’annoncer l’Évangile à tous les hommes et à tous les peuples. C’est ce que dit le Concile: dans le chemin de l’histoire, jusqu’au rassemblement final de l’humanité autour du Christ, l’Église est, d’une certaine façon, sacrement d’unité pour toute l’humanité. Dans l’Église, il y a bien sûr les plus déterminés, qui ont fait des choix personnels, mais aussi ceux qui sont en chemin, ceux qui ont à peine commencé le chemin… À Pâques 2009, à Notre-Dame, trois cent onze catéchumènes adultes ont reçu le baptême. Évidemment ils ne sont pas encore au terme de leur chemin dans la vie de foi et dans la vie ecclésiale: ils l’ont à peine commencé! Pour moi, la vraie ressource de l’Église, ce sont ces communautés où il n’y a pas de super-baptisés, celles qui rassemblent des gens dont la foi est plus ou moins parfaite, dont la vie est plus ou moins parfaite, des pécheurs, comme tous les membres de l’Église, des pécheurs pardonnés qui cherchent à marcher en suivant le Christ. L’annonce de l’Évangile est toujours inaugurale. Nous sommes toujours au début. Comme disait le prêtre orthodoxe Alexander Men, le christianisme ne fait que commencer.
      Mais dans l’Église catholique, certains faits qui se sont produits ces derniers mois ont donné lieu à des discussions, des équivoques, des polémiques. Dans ce contexte compliqué est arrivée en outre la Lettre du 10 mars que Benoît XVI a adressée à tous les évêques. Parmi tous les points que cette lettre soulignait, quels sont ceux qui vous ont le plus frappé?
      Mgr VINGT-TROIS: La décision de la levée de l’excommunication des évêques ordonnés illégitimement par Lefebvre a suscité en France plus d’émotion qu’ailleurs parce que, chez nous, la présence de la Fraternité Saint Pie X est plus implantée qu’ailleurs. Les évêques n’ont pas pu préparer ni bien expliquer la décision du Pape parce qu’ils n’en savaient rien. Pour corriger les erreurs d’interprétation, le Pape a voulu nous adresser cette lettre personnelle. Celle-ci est d’ailleurs allée bien au-delà de la simple intention de corriger la façon maladroite dont sa décision avait été rendue publique. Le Pape explique dans sa lettre les raisons de fond de la mesure qu’il a prise. En particulier, lorsqu’il répond à la question de savoir s’il était si urgent d’aborder le problème de l’excommunication des évêques lefebvristes et s’il n’y avait pas des questions plus urgentes et prioritaires. Le Pape explique qu’en effet la priorité est toujours d’annoncer l’Évangile mais que l’on ne peut annoncer l’Évangile en se résignant au fait qu’une partie des membres de l’Église soit totalement marginalisée.
      Certains évêques français et vous-même êtes intervenus à plusieurs reprises sur l’affaire de l’avortement de la petite fille brésilienne, intervention présentée comme un exemple de l’insensibilité des hommes d’Église devant des situations de souffrance.
      Mgr VINGT-TROIS: Cette histoire nous est tombée dessus comme un météorite. Face à la façon dont les faits avaient été rapportés, il était naturel d’éprouver une certaine amertume. Cela fait deux mille ans qu’on annonce l’Évangile en supportant le péché et, en tant que chrétiens, nous ne sommes pas les porte-parole d’un groupe de parfaits qui vendraient de la marchandise en disant: «nous sommes les meilleurs ». Nous annonçons qulque chose que nous n’avons pas fabriquée, dont nous sommes héritiers par grâce et que nous essayons de partager avec tous du mieux que nous pouvons, ou du moins mal que nous pouvons. Il faut ajouter que nous avons maintenant des informations plus critiques sur la façon dont sont allées les choses dans cette affaire et sur la façon dont celle-ci a été transformée en affaire médiatique. Il faut reconnaître qu’elle s’inscrit dans le contexte politique actuel du Brésil où est en cours une campagne pour la libéralisation de l’avortement. Cette histoire, désastreuse et douloureuse pour la petite fille et pour toute sa famille, a été utilisée comme instrument de propagande. Les media occidentaux l’ont rapportée sans vérifier comment les choses s’étaient vraiment passées.
      Il y a des gens qui disent que certaines Églises locales sont dans une situation d’“opposition” silencieuse par rapport au Pape. Qu’y a-t-il de vrai là dedans?
      Mgr VINGT-TROIS: Les évêques français qui se sont prononcés se sont toujours tous déclarés proches du Pape et ont exprimé leur volonté de soutenir son action. Puis il arrive qu’en France – mais ce n’est pas une spécialité française, la même chose arrive dans d’autres pays –, il y a des groupes, des courants ou des personnes qui contestent systématiquement la position de l’institution ecclésiale et, qui, chaque fois qu’un événement peut leur permettre de s’exprimer et de trouver place dans les media, en profitent. De plus, il y a un autre aspect dont il faut tenir compte: dans les réactions enregistrées en France, plus que de l’agressivité critique à l’égard de l’Église, il y avait plutôt de la part de beaucoup de chrétiens l’expression d’une tristesse et d’une contrariété. Ce n’était pas tant une dénonciation de l’Église que l’expression d’une déception: il semblait que, dans ces affaires, l’Église donnait d’elle une image différente de ce qu’elle est vraiment. J’ai dit cela au Pape et je pense qu’il l’a bien compris.
Sortie de la messe à Notre-Dame à Paris
      Les polémiques ne risquent-elles pas de radicaliser les oppositions entre les si diverses sensibilités de l’Église française?

      Mgr VINGT-TROIS: Je pense, pour ma part, que l’Église a toujours progressé dans la communion en prenant en charge les différences. Quand Paul s’est opposé à Pierre sur la question des chrétiens d’origine païenne, il est sûr qu’ils n’étaient pas d’accord. Si l’Église n’a pas pris fin alors, c’est parce qu’ils ont vécu la communion malgré leur désaccord. Je pense que l’un des signes forts que l’on peut offrir dans la société moderne est précisément que notre communion dans le Christ nous permet de laisser subsister des différences d’évaluation, de compréhension, parfois des différences d’interprétation pour tout ce qui ne concerne pas la foi et la morale. À condition que les différentes positions qui peuvent coexister ne soient pas exprimées comme un acte de rejet et de haine. Car dans ce cas, on n’est plus dans la communion de l’Église. Par exemple, on ne peut vouloir faire la communion dans l’Église en décrétant que le Pape n’est plus dans l’Église…
      Il y a des gens dans l’Église qui semblent presque se féliciter des critiques qui leur sont adressées: si on nous hait, disent-ils, c’est la preuve que nous sommes des témoins authentiques, purs et durs. Que pensez-vous de cette attitude?
      Mgr VINGT-TROIS: Dans la tradition chrétienne, les candidats au martyre n’ont jamais été encouragés. Ils ont toujours été regardés avec suspicion. D’abord si nous regardons du côté de l’Évangile, ni le Christ ni les apôtres n’ont cherché dans leur mission apostolique à frapper les esprits ou à scandaliser. Au contraire, ils ont toujours essayé de se faire comprendre. Cela dit, le critère pour évaluer notre action n’est pas la réaction publique que nous suscitons mais la conformité à l’Évangile que nous voulons annoncer. Dans nos sociétés qui sont si laxistes sur des questions concernant la vie humaine, comme l’avortement ou l’euthanasie, je suis désolé, mais je ne peux pas dire que l’avortement et l’euthanasie sont de bonnes choses uniquement pour faire plaisir à tout le monde et ne mécontenter personne. Il faut en même temps souligner que la vision chrétienne de l’être humain concorde profondément avec la raison humaine. Cette correspondance entre la vérité qui nous est révélée par l’Écriture et la Tradition et la sagesse humaine est quelque chose que nous pouvons mettre en valeur.
      Dans les réactions publiques aux paroles prononcées par le Pape sur le sida et le préservatif, pendant le vol qui le conduisait en Afrique, certains hommes politiques français se sont distingués. Qu’est devenue la “laïcité positive” de Sarkozy?
      Mgr VINGT-TROIS: Ce sont deux choses totalement différentes. En France – mais je ne pense pas que ce soit très différent en Italie –, nous sommes dans une société politique dominée par l’image que l’on donne de soi-même. Les personnages politiques qui sont intervenus pour critiquer le discours du Pape sur la lutte contre le sida l’ont fait sans vérifier ce qu’avait dit le Saint-Père et n’avaient en vue que de confirmer qu’ils étaient bien alignés sur la mentalité commune. Ils ont dit ce qu’ils pensaient que tout le monde voulait les entendre dire. Ce n’est pas là une ligne politique, c’est une gestion médiatique de la vie sociale. Une ligne politique est une tout autre chose. C’est reconnaître qu’il y a des objectifs de grande portée qui regardent le bien commun et qui sont exposés de manière décidée et directe, même lorsque leur poursuite demande du temps et qu’ils ne peuvent être réalisés immédiatement. Je crois que le discours du président de la République Sarkozy sur la place de la religion dans les sociétés est lié à ses objectifs politiques et non simplement à la gestion médiatique de la vie sociale.
      Cette année a lieu le jubilé du saint Curé d’Ars. Que peut suggérer aux Français d’aujourd’hui et à toute l’Église, au temps de la sécularisation, la voie simple du soin des âmes suivie par saint Jean-Marie Vianney?
      Mgr VINGT-TROIS: Je peux dire tout de suite que, dans le diocèse de Paris, nous avons célébré l’année du sacerdoce cette année, avant l’annonce du Pape qui l’a déclarée pour l’année prochaine. Cette année, la relique du coeur du curé a été portée pendant une semaine en pèlerinage dans les églises de Paris et a attiré un très grand nombre de fidèles. Pour ce qui est de son actualité, certains se réfèrent au curé d’Ars avec une certaine nostalgie, ils voudraient presque reconstruire les conditions de vie des paroisses des villages du XIXe siècle, où il y avait un prêtre pour deux cents habitants. Mais le XIXe siècle est fini depuis plus de cent ans. Moi, par exemple, je n’ai jamais pu mener la vie du curé d’Ars.
      Qu’est-ce que le curé d’Ars a donc encore à dire aux paroissiens et à vous-même?
      Mgr VINGT-TROIS: Nous sommes appelés à vivre dans l’Église d’aujourd’hui, dans les paroisses d’aujourd’hui, comme elles sont. Ce qui est exemplaire dans la figure du curé d’Ars, ce n’est pas le lieu et le temps dans lequel il lui a été donné de vivre mais l’amour pastoral pour son peuple, la catéchèse de tous les jours à travers la prédication et le catéchisme pour les petits et pour les grands, la miséricorde offerte et dispensée à travers le sacrement de la pénitence et la conversion de sa vie qui se manifestait dans la façon dont son cœur s’ouvrait pour accueillir tous les pécheurs. Tels sont les aspects de la vie du curé d’Ars auxquels se réfère aujourd’hui aussi bien le curé du village d’Ars que l’archevêque de Paris. Les curés du XXIe siècle ont le devoir d’aimer leur peuple, de l’instruire, de lui pardonner et de convertir leur propre vie. C’est pourquoi le patronage du curé d’Ars est si précieux pour tous les prêtres diocésains.
Alexis II avec le cardinal Vingt-Trois à Moscou, le 29 octobre 2008 [© Associated Press/LaPresse]
      Récemment, en parlant aux séminaristes de Paris, vous avez répété que, dans le sacerdoce, la confession est l’œuvre la plus cachée mais la plus importante. Comment s’exprime à Paris cette priorité?

      Mgr VINGT-TROIS: Elle s’exprime premièrement par le fait que d’habitude, durant toute l’année, il y a à Paris au moins une dizaine d’églises – y compris Notre-Dame, le Sacré-Cœur. Saint-Sulpice, la Chapelle des étrangers, où l’on confesse du matin au soir. Les Parisiens, qui sont habitués à se déplacer pour vaquer à leurs multiples occupations, savent donc que, s’ils le veulent, il y a des endroits où ils peuvent se confesser à toute heure. En deuxième lieu, dans la grande partie des paroisses de Paris, sont indiquées sur des panneaux, à l’entrée de l’église, les heures où, jour par jour, l’on peut trouver dans l’église un prêtre pour se confesser. Troisièmement, dans les temps forts de l’année liturgique comme l’Avent et le Carême, est de plus en plus souvent organisé ce que l’on appelle les “journées du pardon”: une, deux, trois paroisses se mettent ensemble et décident du jour où, de dix heures du matin à dix heures du soir, il y aura un accueil ininterrompu pour ceux qui souhaitent se confesser. Et il y a en effet beaucoup de gens qui viennent.
      Pour finir, une question sur le dialogue œcuménique: vous avez noué une relation de communion avec l’Église orthodoxe russe, naguère avec Alexis, maintenant avec Kirill. Y a-t-il des affinités particulières entre Paris et Moscou?
      Mgr VINGT-TROIS: Le diocèse de Paris et, plus généralement, l’Église de France ont des relations très fraternelles avec les orthodoxes, ceux du Patriarcat de Constantinople – qui a un évêque à Paris – comme ceux du Patriarcat de Moscou, qui a aussi un évêque à Paris pour la communauté russe. Dès que je suis devenu archevêque de Paris, j’ai eu le privilège de recevoir le patriarche Alexis en visite en France et je suis allé rendre visite au patriarche Bartholoméos à Constantinople. Puis j’ai aussi rendu visite au patriarche Alexis à Moscou, tout cela pour montrer, entre autres, que les relations fraternelles que nous avons avec le patriarche de Moscou n’excluent pas que nous en ayons aussi avec le patriarche de Constantinople.