Entretien avec l'Archevêque de Tours, Monseigneur Vincent Jordy.

Frères et soeurs, chers fidèles du diocèse,

Ce mardi 5 octobre, la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Église (CIASE) depuis
1950 a présenté son rapport à la Conférence des Évêques de France qui le lui avait commandé. Ce
rapport est accablant et terriblement douloureux. L’onde de choc médiatique est violente comme un
séisme.
Il nous faut avant tout dire notre estime aux victimes qui ont le courage de témoigner malgré
l’épreuve que cela a sûrement été pour chacune d’entre elles. Il faut remercier les membres de la CIASE
et son Président, M. Sauvé pour le travail effectué.
Il faut aussi souligner la forte résolution des évêques de France qui ont depuis près de 20 ans
travaillé et mis en place des dispositifs pour faire de l’Église une maison plus sûre pour tous en prenant
de nombreuses mesures et plusieurs engagements. Ces mesures ont déjà été présentées à différentes
occasions et vous pouvez les trouver exposées et expliquées sur le site internet de notre diocèse. Elles
concernent tout à la fois la prévention que l’accompagnement des victimes et la formation des futurs
prêtres.
Devant ce rapport, il est certain que nous pouvons aussi être tentés par de multiples attitudes. Face à
ces révélations dramatiques, la tentation peut être de nier ou d’atténuer les faits, de les minimiser, de les
comparer trop facilement avec d’autres réalités de la vie en société, de penser que tout est désormais
résolu et derrière nous, dans le passé.
Mais il faut avant toutes choses dire les responsabilités face à des vies qui ont été détruites, des
personnes broyées par des comportements inacceptables. Il nous faut entendre le cri de souffrances de
toutes ces personnes et y porter attention de manière concrète.
Face à la réalité de ce que nous découvrons de notre Église, notre confiance peut être légitimement et
profondément affectée. Nous savons combien cette confiance est aujourd’hui blessée dans toute la
société. Avec ce rapport, c’est la confiance entre nous, surtout envers les prêtres, les évêques qui est
bien entendu entamée. Nous aurons besoin de pouvoir en parler, de réfléchir ensemble pour retrouver,
pour reconstituer cette confiance.
Enfin ce rapport affecte d’une certaine manière la crédibilité de notre Église à annoncer la Bonne
Nouvelle de l’Évangile. Il nous invite à beaucoup de modestie, à un examen en profondeur de ce que
nous sommes, à une vraie conversion. Le chemin synodal à venir que nous propose le Pape François
pourra éclairer ce processus.
Je pense aussi que chacun d’entre nous a à affronter le regard des autres, les questions de proches, de
parents, d’amis sur notre attachement à l’Église. Fidèles déboussolés, prêtres et évêques sur lesquels
pèsent nécessairement une forme de soupçon, il nous faut trouver un chemin pour continuer à vivre et à
faire vivre notre Église.
Dans un moment comme celui que nous vivons les mots sont pauvres, sinon inopérants voire parfois
insupportables. Il nous reste peut-être alors l’essentiel. Continuer simplement et pauvrement à marcher
dans les pas de Celui que nous suivons, Jésus. Il s’agit, plutôt que de paroles, de continuer à poser les
gestes simples que l’Évangile nous invite à vivre. Dans notre diocèse, des hommes et des femmes, des
prêtres et des laïcs vont continuer, sans bruit, à visiter les malades, les prisonniers, les personnes isolées,
à accueillir les pauvres de toutes les pauvretés, à annoncer l’espérance à ceux qui en manquent, à prier et
à aider à prier, à préparer aux sacrements…
Quand nous ne pouvons plus dire le bien, nous pouvons au moins essayer de le faire. C’est lui qui

nous fera traverser ce temps purifiant pour que Jésus soit annoncé.