La solennité du Christ, roi de l’univers, clôt l’année liturgique.
C’est le bon moment pour s’interroger sur l’articulation entre deux
réalités : le Jésus historique et le Christ de la foi.
Jésus, l’annonciateur ou l’annoncé ?
Le Jésus historique, dans sa prédication itinérante, annonçait le
Royaume de Dieu. De son côté, l’Église annonce la mort et la
résurrection de la même personne : le Christ de la foi. Y a-t-il hiatus
entre les deux annonces ? Jésus et l’Église prêchent-ils deux réalités
différentes ? La foi répond négativement en ce sens que la Pâque du Fils
de Dieu non seulement nous ouvre le Royaume, mais aussi parce que le
Christ porte la réalisation de ce dernier en lui-même. C’est ainsi que
l’annonciateur devient l’annoncé : Jésus est le Royaume en personne.
Dans l’encyclique Redemptoris missio, Jean-Paul II affirmait :
« Le Royaume de Dieu n’est ni une manière de voir, ni une doctrine, ni
un programme, que l’on peut fabriquer en toute liberté, c’est avant tout
une personne, qui porte le visage et le nom de Jésus de Nazareth, image
du Dieu invisible. »
Les réticences de Jésus à se déclarer roi
On peut s’étonner toutefois que durant son existence terrestre, le
fils de Marie n’ait pas cru bon de se proclamer roi explicitement.
Comment expliquer ce silence ? En fait Jésus ne désirait pas entretenir
ses disciples dans le malentendu au sujet de sa royauté. Comme il le
déclarera à Pilate, celle-ci n’est pas de ce monde. Elle est une royauté
de service, non de domination. D’ailleurs, Jésus ne confessera qu’il
est roi qu’une seule fois : devant le procurateur de Judée, une couronne
d’épine sur la tête, en tant que condamné ! En revanche, dans beaucoup de paraboles, il laisse deviner que la
royauté universelle lui est destinée. Mais c’est toujours une royauté
paradoxale. Par exemple, dans le tableau du jugement dernier dans
l’évangile selon saint Matthieu, Jésus est un roi qui s’identifie aux
plus faibles des hommes (Mt 25, 40). "Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous
l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que
vous l’avez fait.”
Une étrange royauté
Elle se démarque des modèles humains passés ou présents... D’ailleurs, Jésus n'a jamais revendiqué le titre de roi terrestre : "Ma royauté ne vient pas de ce monde". Il est venu pour servir, non pour être servi. A Pilate qui le presse de questions, Jésus répond : "Tu l'as dit, je suis roi..." en précisant naturellement de quelle manière, ce qui ne fait qu'accroître la perplexité du procurateur. Ultime paradoxe du Royaume
En Jésus, Dieu règne. Par sa justice : le Père ressuscite le Fils et
ceux qui pratiquent le bien, en vertu de leurs mérites. Et également par
sa miséricorde : nous sommes sauvés gratuitement, car nos œuvres seront
toujours déficientes par rapport à la justice transcendante de Dieu.
C’est le dernier paradoxe du Royaume. Un Royaume où règnent les justes
qui auront vêtu, nourri, visité, consolé le Roi de gloire dans les
personnes des plus petits qui sont ses frères. Mais aussi un Royaume
tout de miséricorde, car nous restons tout de même loin du compte de la
charité du Christ !
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